Jeudi 29 mai, nous étions une trentaine de participants pour réfléchir sur la ville. Cette conférence interactive s’inscrit dans la réflexion démarrée en 2023 avec les ateliers « Fresque de la ville ». Ces ateliers nous avaient permis de poster des contributions argumentées à la concertation du SDRIF-E 2040, Schéma Direction Régional Ile de France Environnement, en mars dernier.

Dans un premier temps, nous nous sommes répartis en 3 groupes sur 3 ateliers : le parcours résidentiel, le lien avec l’environnement et la privatisation de l’espace public. Dans un second temps, nous avons pu partager les réflexions et les questions.

Le parcours résidentiel, c’est quoi ?

Le parcours résidentiel correspond aux changements de logement suivant ses besoins tout au long de sa vie et de ses ressources. Typiquement, nous changeons de logement dans les grands moments de la vie, lorsque nous partons de chez nos parents, que nous fondons une famille ou à la fin de sa vie lorsque nous nous retrouvons seul ou avec des besoins de logement adapté.

Parcours résidentiel

Lors de cet atelier, Patrick Chotteau, architecte-urbaniste, a fait réfléchir les participants sur leur parcours de vie et leur parcours résidentiel : les personnes sont séduites par le compromis ville / proximité de la campagne de Montigny. La desserte des transports en communs et la proximité des écoles jouent également dans le choix des habitants. Cependant, selon ses moyens, il est difficile d’acheter la maison rêvée. La location est alors une solution même si l’entretien des bâtiments n’est pas toujours au rendez-vous.

Le parcours rêvé n’est pas toujours le parcours réel.

La particularités de notre ville nouvelle est qu’habiter en maison ne veut pas dire être éloigné des équipements. Parmi les questions qui taraudent les urbanistes, on trouve l’étalement urbain consommateur de terres agricoles – qui elles-mêmes souffrent d’un mode d’agriculture qui abime et durcit les sols. Comment alors assurer la sécurité et la souveraineté alimentaires (avoir suffisamment de surface utile agricole par habitant) ?

Le desserrement des ménages – de moins en moins de personnes par habitation (5 personnes dans un 2 à 3 pièces en 1945 contre 2 personnes en ville à 4 personnes à la campagne dans un 4 à 5 pièces) – implique un besoin supplémentaire de  logements. À Montigny, ce desserrement est d’autant plus visible que les personnes arrivées lors de la création de la ville nouvelle ne sont pas forcément parties ; elles restent vivre dans leur grande maison même après le départ des enfants. Avec le vieillissement et la perte d’autonomie, ces grandes maisons deviennent inadaptées. Des solutions d’habitats coopératif ou intergénérationnel pourraient alors être envisagées pour rester dans le même quartier et conserver ses liens avec ses habitants. Comme l’a fait la ville de Nantes, la ville pourrait préempter des appartements accessibles aux personnes âgées pour leur permettre de rester vivre dans leur quartier. L’habitat intergénérationnel permet aussi de redynamiser la vile et la vie associative.

Ce desserrement des ménages, l’emploi qui ne se trouve plus dans la ville où on vit, la grande distribution à l’extérieur des villes, la moindre accessibilité aux transports en communs (comme par exemple, la baisse de la fréquence des trains) impliquent de nouveaux besoins de mobilité, de nouvelles routes, qui engendrent à leur tour la possibilité de s’éloigner encore plus des centres urbains et donc une augmentation de l’étalement… 

Le lien avec l’environnement

« Le végétal apporte du bien-être, physique et psychologique » démarre Caroline Scao, paysagiste-conceptrice. Les villes vertes supportent mieux les fortes températures grâce à l’ombre et à la fraicheur apportées par les arbres. Les habitants y sont également en meilleure santé.

Il y a plusieurs manières de mettre de la nature dans les villes : avec un jardin à la française, très ordonné, ou un jardin à l’anglaise qui donne une impression de désordre même si c’est aussi très maîtrisé ; avec un alignement d’arbre le long d’une rue ; avec l’aménagement d’une place,… Plusieurs questions se posent aux décideurs quant à la végétalisation de leur ville :

  • Quelle nature souhaite-on en ville ? Une nature bien ordonnée, taillée au cordeau, maîtrisée par la main humaine ou une nature sauvage, sans contrôle ? Tous les intermédiaires sont possibles entre ces deux extrêmes, lequel ou lesquels souhaitons-nous voir autour de chez nous ?
  • Quelle place pour la biodiversité en ville ? La fauche tardive est maintenant répandue et est mieux acceptée par les habitants.
  • Quelle place pour les animaux « sauvages » ?
  • Est-ce le rôle d’une ville d’être productrice d’aliments ? Faut-il multiplier les potagers collectifs qui ont plutôt un rôle social que réellement producteur ? Les serres verticales et l’agriculture hors-sol (en toiture par exemple) doivent-elles être privilégiées à des terres agricoles dans les zones rurales ou péri-urbaines ?
  • Faut-il tondre avec nos moutons (éco-pâturage) ? Est-ce uniquement esthétique et pédagogique ? Utilise-t-on le lait, la viande, la laine (aujourd’hui jetée car personne n’a été trouvé pour la valoriser) ? Qui s’en occupe et comment ?
  • Comment notre ville peut participer à retenir l’eau sur place et ainsi limiter les inondations qui vont devenir de plus en plus fréquentes ? Les possibilités sont multiples et vont des solutions à faible coût (noues, bassins de rétention, jardins de pluie qui favorisent l’infiltration directe) à celles ayant un coût élevé (cathédrale souterraine qui stocke l’eau avant de la rejeter dans le réseau).
  • Comment le quartier s’insère dans son environnement immédiat ? Comment l’air, l’eau et les habitants circulent ? Comment les différents quartiers dialoguent entre eux pour composer une ville ?

La privatisation de l’espace public

Muriel Larrouy, sociologue, nous explique la place de la voiture et comment cet espace nous empêche de voir la mobilité autrement. En nous démontrant que si vous voulions dédier une voie par type de mobilité (marche, vélo, voiture, transport en commun), plus les équipements (lampadaires, arbres) et les stationnements, les routes et les rues devraient avoir une largeur équivalente à cette autoroute !

Autoroute avec 2 fois 4 voies

Alors, pas question de changer la taille de nos routes et de nos rues mais plutôt de redistribuer l’espace disponible de façon plus équitable entre les types de mobilités. Que dirait-on si un habitant mettait son canapé ou une tente de camping sur une place de voiture ? Cela nous paraîtrait bien incongru… et pourtant, nous utilisons cet espace (public) pour mettre un objet personnel : la voiture.

Les échanges de cet atelier sont inconfortables, difficile de changer notre point de vue sur un mode de déplacement ancré dans nos habitudes. Cependant, le changement se prépare et s’accompagne, ce n’est pas qu’un choix individuel. Les décideurs et ceux qui dessinent la ville ont leur rôle. C’est aussi  un enjeu de santé : la marche nous permet de lutter contre la sédentarité.
Alors, voici les conditions pour rendre la diminution de l’utilisation de la voiture acceptable :

  • Les services doivent être à portée de pied (ou à vélo) dans le quartier : boulangerie, supérette, pharmacie, médecin, vie associative…
  • Un accompagnement est nécessaire, il faut faire des essais et garder le dialogue.
  • Ne pas tout faire peser sur les épaules de l’individu : la collectivité peut par exemple, diminuer les places de stationnement, ce qui aura comme conséquences de supprimer des déplacements ou d’utiliser d’autres modes que la voiture (bus, vélo, pieds).
  • Avoir eu dans l’enfance une idée positive du mode de déplacement (plaisir à prendre le bus, le vélo…).
  • Donner de la place à tous les modes dans un plan de circulation prévu pour offrir de la sécurité.

Réflexions et questions

Montpellier, Dunkerque ont mis en place la gratuité des transports publics. Pourquoi pas à Montigny ?

La gratuité, c’est autant de ressources en moins qu’il faudra aller prendre ailleurs, ou bien accepter une dégradation de l’offre de transports. Et aujourd’hui, on manque de moyens pour assurer l’entretien des infrastructures, ferroviaires notamment.

Pour que le manque à gagner dû à la gratuité soit réduit, il faudrait une ville peu dense, dans laquelle peu de gens prennent les transports en commun (par exemple Limoges). Mais à Montigny, 70 000 personnes / jour sont amenés à la gare en transports publics, ce qui représente un énorme manque à gagner.

La gratuité créée de l’opportunisme : on va prendre le bus là où avant on faisait le trajet à pieds alors qu’il faudrait un report modal de la voiture vers le transport en commun.

Pour Dunkerque, le passage à la gratuité s’est fait sans modification de l’offre. La fréquentation des bus a augmenté en gros de 1 %, il n’y a donc pas eu de report modal.
Il vaudrait mieux réfléchir à l’offre de transport et continuer à demander une contribution.

L’eau

Au bout de 7 jours de sécheresse en moyenne l’arbre ne joue plus son rôle de rafraichissement (plus d’évapotranspiration) : il faut arroser les arbres, d’où l’intérêt de recueillir l’eau de pluie.

Toutes les solutions ne se valent pas : Construire des cathédrales souterraines pour stocker l’eau de pluie est une “technosolution”. Avec 10 % du prix d’une cathédrale on peut faire un très beau parc avec son jardin de pluie.

On peut aussi agir sur les rues : par exemple, une noue d’1 m de large au milieu de la rue, avec des arbres et des obstacles pour ralentir l’eau et lui permettre de s’infiltrer dans le sol. Ceci ne coûte pas forcément plus cher qu’un réseau souterrain de recueil des eaux pluviales.

Montigny, qu’est-ce qui est à faire ?

La vitesse pourrait passer à 30 km/h dans toute la ville, avec un plan de circulation a minima par quartier pour que les gens puissent se déplacer à pied ou à vélo en se sentant en sécurité.

La trame verte existante des sentes et des petits chemins est à sanctuariser, il faut l’entretenir et empêcher qu’elle soit privatisée.

Arrêter de défaire ! Par exemple, on démolit l’anneau de la gare parce que c’est un point de deal. En raisonnant de cette manière, c’est toute la ville qu’il faudrait détruire !

Il faut que les gens puissent se rencontrer dans l’espace public : on a besoin de bancs pour se reposer, s’occuper des enfants… et aussi de toilettes. Les espaces sont à aménager pour que tout âge puisse y vivre et s’y épanouir, notamment des aires adaptées aux adolescents. Si la ville est pensée pour les enfants (où l’enfant peut y faire plein de choses seul : aller acheter le pain, prendre le bus…), alors elle est praticable pour tout le monde.

Comment fait-on revenir les enfants à Montigny ?

Actuellement les appartements sont rares et chers, donc difficile pour des jeunes familles de s’installer. Une solution est de densifier : Pour éviter de perdre des espaces verts, on pourrait profiter de tous les endroits où il est possible de rehausser, par exemple un ou deux étages en structure bois sur les immeubles (hypercentre par exemple).

Le projet de l’anneau rouge à la gare aurait pu être une vraie porte d’entrée pour les étudiants, au lieu de faire deux immeubles de tertiaire. La mairie participe à la spéculation en vendant du foncier. Pour la mairie, le tertiaire a ses avantages : moins de contraintes, apport de revenus fiscaux, pas besoin de créer des crèches ou des écoles, pas besoin de débat sur l’accessibilité financière au logement… et pas besoin de discuter de l’utilisation des impôts des habitants !

La mairie a aussi des leviers pour favoriser la mixité sociale. Elle doit éviter de faire peur aux gens avec le terme « HLM », alors que 70% de la population française est éligible au logement social et que pour 80 % de la population, le début du parcours résidentiel passe par le logement social.

Il faut sortir de l’urbanisme des années 70 où l’on bâtissait la ville par fonctions : zone d’activité, commerces, habitat étaient alors séparés. On pourrait superposer en hauteur : commerces en rez-de -chaussée, un ou deux étages de bureaux, et logements au dessus et pourquoi pas, un jardin sur le toit. En mixant les usages, on a une meilleure rentabilité des transports publics : une ligne qui dessert à la fois commerces, écoles, habitations, lieux de travail sera empruntée tout au long de la journée contrairement à une ligne spécifique qui ne fonctionne à plein qu’à certaines heures.

Une question plus vaste que Montigny…

Pourquoi faut-il continuer à hypertrophier l’Île de France alors qu’on sait que la structure de l’emploi va changer, que l’agriculture industrielle va devoir laisser place à une agriculture moins intensive… Il faudrait « réarmer » les petites villes et villages.

Et la suite… ?

Pour continuer ce débat et ces échanges riches, nous allons bientôt vous proposer des balades urbaines, pour découvrir notre ville avec un autre œil ! Abonnez-vous à notre newsletter pour ne pas louper cet événement !